Penser la sécurité autrement

par Yannick L., Avignonnais, père et citoyen actif.


Depuis le chant ardent des cigales jusqu’au grésillement apaisant des grillons du soir, sous le mistral ou par temps clair, notre belle ville, celle que nous aimons, n’est pas toujours sereine.


À vrai dire, elle l’est de moins en moins.

Car si notre cadre de vie reste singulier, la montée de l’insécurité est générale.
Dans une ville au taux de pauvreté parmi les plus élevés de France métropolitaine, où les trafics prolifèrent en se nourrissant de la misère, un climat mafieux s’installe dans certains quartiers, pousse a l’avilissement, fait de peur, souvent violent, parfois terrible.

Les Avignonnaises et les Avignonnais en souffrent, chaque jour, à des degrés divers.

Cette insécurité rampante grignote nos libertés, fragmente nos solidarités. Et ce sont, comme toujours, les plus précaires qui en paient le prix le plus lourd, jusqu’à l’abandon total de leur liberté.

Disons-le une fois pour toutes : l’insécurité n’a pas de visage. .

C’est un système.
Un système qui broie.

Un système où le plus fort est celui qui détient l’argent, les armes, la peur.

Un système qui fait reculer la République partout où l’insécurité avance.
 Un système où prolifèrent les trafics.
 Un système qui prospère sur nos abandons : abandon du vivre ensemble, abandon de la règle et de sa rigueur, abandons de nos solidarités.

Ce qui est menacé, ce n’est pas seulement notre tranquillité. C’est notre « Res Publica » : la chose publique, notre Ville. Celle que l’on aime.

Parce que la sécurité est la première des libertés, peu importent les répartitions de compétences entre l’État, la police, la justice ou les collectivités.

La sécurité est un bien commun.

Et dans une République digne de ce nom, chacun doit prendre sa part.

La Ville ne peut pas rester dans l’attente de l’action des autres. Elle doit agir, et surtout, partager sans relâche : partager l’information, les moyens, les responsabilités, avec tous les acteurs : services de l’État, du Grand Avignon, associations, habitants, justice, police nationale, police municipale.

Car dans l’intérêt des citoyennes et des citoyens, la sécurité ne se délègue pas. Elle se construit ensemble, dans la clarté, dans la transparence, dans le courage.

Portons notre regard ailleurs, sur ces villes qui, comme nous, souffrent de l’insécurité. Mais qui, loin de baisser les bras, ont su innover, expérimenter, agir.

En mobilisant l’espace démocratique pour que chacun se sente concerné :

À Saint-Ouen, un Conseil local de sécurité actif depuis 2003 associe mairie, policiers, bailleurs, habitants et associations. En 2020, les Assises citoyennes ont permis d’ouvrir le débat sur l’éclairage, la parentalité, les violences : la participation démocratique n’est pas une option, c’est un levier d’action. La ville a aussi renforcé sa police municipale, modernisé ses équipements, et noué des partenariats publics-privés pour sécuriser les événements sans tout déléguer.

En mobilisant des ressources supplémentaires pour être plus réactif et efficace :

À Strasbourg, la police municipale fonctionne 24h/24 et 7j/7, dotée de cinq unités spécialisées, de brigades cyclistes et motorisées, et d’un poste de commandement urbain partagé pour centraliser les alertes, pour plus de réactivité, moins de zones grises.

À Carpentras, une brigade d’intervention rapide a été mise en place pour renforcer la réactivité de la police municipale, notamment dans les quartiers sensibles et le centre-ville. Dotée d’un maître-chien, de véhicules mobiles et d’horaires adaptés aux pics de tension, elle agit en lien avec la police nationale pour répondre vite, efficacement, et au plus près des habitants. D’autres villes comme Toulouse ou Saint-Denis ont déployé des unités similaires, motorisées ou à pied, capables d’intervenir en quelques minutes à la suite d’un signalement citoyen.

À Nîmes, une brigade spéciale dédiée au centre-ville garantit présence visible et régulation dans les lieux les plus fréquentés.

En mobilisant les nouvelles technologies au service des citoyens et citoyennes

À Dijon, il a été fait le choix de l’intelligence collective et technologique avec le projet OnDijon. Tous les services municipaux — éclairage, voirie, vidéosurveillance, interventions d'urgence — sont pilotés depuis un poste de commandement unifié, en temps réel. Plus de 250 caméras y sont connectées, avec des outils de gestion réactive, des équipes coordonnées, et des signalements suivis jusqu’à leur résolution.

En mobilisant l’ensemble des acteurs dans une approche unifiée et partagée

À Dijon toujours, un contrat de sécurité intégrée lie police nationale, police municipale, bailleurs, transporteurs, médiateurs et justice. Une unité « prévention/incivilités » travaille en lien avec un psychologue et des dispositifs de médiation, pour ne pas réduire la sécurité à la répression.

À Amsterdam, des équipes mixtes police municipale–agents de rue croisent leurs données avec les signalements citoyens pour cibler les « hotspots » à traiter.

À Strasbourg Les maraudes sociales sont coordonnées avec les arrêtés municipaux, pour éviter les effets de seuil ou les politiques à deux vitesses.

En affirmant que l’insécurité est un sujet de répression et de respect des règles, mais pas seulement :

À Marseille, le programme “100 lieux pour les jeunes” transforme des friches ou espaces délaissés en lieux d’activité, de culture ou d’apprentissage : prévenir l’insécurité, c’est aussi offrir des lieux pour exister.

À Lille, le “Parcours citoyen” réinscrit les jeunes dans la règle, le débat et la ville.

En transformant l’espace public :

Un urbanisme de la dignité, de la clarté, de la présence. À Lorient, à Lyon ou à Saint-Denis, des quartiers entiers ont été transformés : suppression des angles morts, ouverture des espaces publics, éclairages intelligents, lieux pour vivre ensemble. À Amsterdam ou Barcelone, la ville a été rendue aux habitantes et habitants : rues pacifiées, micro-espaces publics animés, architecture conviviale, lisible, accueillante. Ces villes ont choisi l’intelligence collective. Elles ont démontré que l’aménagement urbain peut être une arme de paix, en rendant visibles les liens, les usages, les visages. En redonnant à chacun sa place dans la ville.


Il existe d’autres manières de faire. Des façons de prendre ses responsabilités sans tout attendre de l’État .Tant d’autres exemples dans d’autres villes existent, pourquoi pas nous ?

Parce que la sécurité est un bien commun, la Ville doit prendre sa part, et partager.

Partager les responsabilités, les outils, les diagnostics.

Partager, pour protéger.

Partager, pour reconstruire la confiance.

Partager, pour aimer Avignon en Grand.

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